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La jeune Dilma Rousseff face à ses juges militaires


Une photo de Dilma Rousseff en 1970, âgée de 22 ans, assise devant ses juges militaires, a suscité un buzz inhabituel sur la blogosphère brésilienne. Et a relancé par la même occasion la concurrence des mémoires à propos de la dictature militaire (1964-1985).
La jeune Dilma était une militante ou une dirigeante de l’organisation Avant-garde armée révolutionnaire (VAR) lors de son arrestation. Torturée et soumise à la justice militaire à Rio de Janeiro, elle a été emprisonnée pendant deux ans.
C’est le journaliste Ricardo Amaral, un collaborateur de la campagne électorale qui amena Dilma Rousseff à la présidence de la République, qui a déniché la photo.
On y voit une jeune femme digne face à des officiers qui cachent leur visage pour ne pas être identifiés et pour éviter ainsi d’éventuelles représailles de la guérilla.
La photo, inédite, provient du dossier de la justice militaire, auquel d’autres journalistes n’ont pas eu accès. Seul Ricardo Amaral a été autorisé, pour écrire une biographie de la présidente du Brésil, A vida quer é coragem (aux éditions Primeira Pessoa), en vente à partir de ce mois de décembre.
L’hebdomadaire Epoca (groupe Globo) a eu la primeur de la photo, qui a fait sensation parmi les admirateurs et les détracteurs de Dilma Rousseff. Les commentaires dithyrambiques des premiers et les propos désabusés des seconds étaient prévisibles.
L’engagement de jeunesse de Dilma a été un argument de poids pour imposer sa candidature à la gauche brésilienne. Il faut rappeler que le président Luiz Inacio Lula da Silva l’avait désignée sans tenir compte des barons du Parti des travailleurs (PT), la formation présidentielle.
L’amnistie de 1979, couvrant à la fois les agents de l’Etat et les opposants, a freiné tout débat de fond pendant plusieurs décennies. La transition démocratique au Brésil s’est faite au prix de l’amnésie.
Les victimes de la dictature et leurs proches n’ont pas oublié pour autant, et réclament souvent justice ou du moins la vérité, notamment l’élucidation des cas de disparition forcée ou d’exécution sommaire. Les forces armées, de leur côté, refusent d’ouvrir la boîte de Pandore des crimes et abus imputés à la dictature.
Le régime militaire a compté au Brésil avec un certain soutien de l’opinion. Le coup d’Etat de 1964 a été appuyé par des hommes politiques et des institutions, comme la presse ou l’Eglise, qui rejoindront plus tard l’opposition.
Lors de la Coupe du monde de football de 1970, le mot d’ordre officiel « Brésil, aimez-le ou quittez-le » a fait mouche. L’économie connaissait un premier « miracle brésilien » dont beaucoup de secteurs ont bénéficié, et pas seulement parmi les classes possédantes.
La guérilla urbaine, relayée par une guérilla rurale écrasée dans l’œuf, s’est essoufflée rapidement et n’a jamais rallié des partisans en nombre, au-delà de la jeunesse radicalisée. La lutte armée a sans doute favorisé la recrudescence de la répression à partir de 1968.
Dans ce contexte, une concurrence des mémoires semble inévitable. La récente création d’une Commission de la vérité contribuera à raviver un débat longtemps évité.
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